Le séminaire « Territoires et dynamiques interculturelles : perceptions, échelles et reconnaissance dans les processus de patrimonialisation » s’est tenu dans le cadre de la rencontre annuelle du Groupement d’intérêt scientifique « Institutions patrimoniales et pratiques interculturelles » les 19-20 septembre 2013. Il a été accueilli au domaine de Chamarande, propriété du Conseil général de l’Essonne.
Chamarande est un lieu où s’entrelacent, parfois s’entrechoquent les temps, les activités, les cultures professionnelles... Chamarande : un parc à la centralité affirmée par l’ordonnancement de son château, chahutée hier par ses étangs, aujourd’hui par ses artistes, dont les frontières sont diffuses, village, rivières, forêt épaisse, RER ! Mais aussi un espace de rencontre entre projet social et solidaire, lieu de loisirs ouvert en service public et magasins d’archives en crypte, cachés-révélés...
Comment fait-on patrimoine dans un site où la nature, l’architecture classique et contemporaine, les archives et les expressions artistiques actuelles sont convoquées, avec l’objectif de fédérer les attentes sociales les plus larges ? Quelles représentations, quels déplacements d’exercices professionnels, quelles interactions avec le territoire sont en jeu ?
Les rencontres annuelles du GIS, entre parcours et conclaves, ont été l’occasion d’interroger, avec les acteurs du site, les différentes facettes d’un récit qui se veut fondateur d’un vivre ensemble. Nous avons souhaité que l’ensemble de la rencontre tire sa réflexion et ses questionnements de ce lieu : de l’entrecroisement de son histoire, de ses patrimoines naturels et bâtis, de ses résidences d’artistes contemporains, de ses espaces de loisirs, de la dynamique de ses utopies réalisées.
Au rythme de la promenade dans le parc-jardin et de la visite des expositions et des installations artistiques, avec l’équipe du Conseil général, nous avons engagé le dialogue, croisé les expériences, laissé s’exprimer les imaginaires et mis en évidence les remises en cause et les questions en suspens que ce lieu toujours en mouvement suscitait.
Ce compte rendu garde le fil du séminaire et sa logique : commençant par s’imprégner du site et des pratiques qui le font exister tel qu’il est aujourd’hui, entre espaces verts, patrimoines et création artistique, il fait surgir l’ampleur de la pollinisation des métiers, avec Laurent Bourdereau, directeur du Domaine de Chamarande et Méréville, Cécile Brune, chargée de mission Paysages et jardins, Patrick Poussin, chef jardinier, Julie Sicault-Maillé, responsable de la collection et des expositions.
Il se poursuit avec une ouverture sur les enjeux actuels, sociaux et politiques, du Domaine avec Stéphane Pellet, directeur général adjoint en charge de la citoyenneté et de la qualité de vie au Conseil général de l’Essonne puis les interventions de membres du conseil scientifique du GIS Ipapic. Elles invitent à réfléchir aux dynamiques interculturelles qui travaillent les processus de patrimonialisation, leurs failles, leurs blocages et leurs détours,qu’ils surgissent au hasard de la maquette retrouvée d’un village auto-construit de l’Estaque (Ramzi Tadros, Approches Cultures Territoires), ou de la mémoire citoyenne des quartiers de Montréal ressuscitée par le Centre d’histoire de Montréal (Jean-François Leclerc). Ces interventions poursuivent le débat toujours réactualisé sur ce qui fait patrimoine et pour qui (Michel Rautenberg, Centre Max Weber), selon quels critères, quelles normes d’ancienneté, d’esthétique, de dignité, de généralité supposées. Elles questionnent aussi les différentes sources et échelles territoriales de reconnaissance des patrimoines : des institutions patrimoniales –musées ou archives-, des collectivités locales, de l’État central. Elles interpellent leur rôle dans ces processus de patrimonialisation impossibles ou inaboutis : que se passe-t-il quand il n’ y a pas d’échelon politique intermédiaire entre ville et État central comme au Luxembourg sur lequel une association peut s’appuyer (Antoinette Reuter, Centre de documentation sur les migrations humaines. Dudelange) ?
Enfin, dans une troisième partie du séminaire, ouverte par Jean-Barthélemi Debost (Musée de l’histoire de l’immigration), les participants ont exprimé leurs réflexions et leurs questions sur les territoires particuliers que sont les frontières au regard des processus de patrimonialisation.
Ce séminaire « Territoires et dynamiques interculturelles : perceptions, échelles et reconnaissance dans les processus de patrimonialisation » a ainsi ouvert de nombreuses pistes de réflexions interculturelles à partir de la notion de territoire et de ses résonances. Au-delà du territoire entendu comme périmètre administratif dont les frontières sont imposées mais aussi « craquent », le territoire est aussi pratiqué : il est constitué par l’entrecroisement des mobilités, des flux, des migrations qui se moquent des frontières, les contournent. Plus métaphorique, le territoire est aussi constitué par l’enchevêtrement des réseaux qui substituent à la vision verticale et surplombante une vision horizontale, propice aux échanges. Les échelles d’action mettent en évidence la diversité des logiques suivies par les processus de patrimonialisation : légitimation problématique de l’histoire et de la mémoire des immigrations par l’État national ; difficultés à faire reconnaître le patrimoine ordinaire, quotidien par des musées ou centres d’archives aussi à l’échelle locale ; tendance à effacer les formes et lieux d’enfermement, de stigmatisation ou de répression.
Face aux obstacles et aux ruptures manifestés par les processus de patrimonialisation, les séminaires et visites-débats organisés par le GIS Ipapic contribuent à construire des processus inverses, de mise au jour et de questionnement de ces logiques, à susciter le développement de dynamiques interculturelles.
Remerciements : Stéphane Pellet (directeur général adjoint en charge de la Citoyenneté et de la Qualité de vie au Conseil général de l’Essonne), Frédérique Bazzoni (directrice des archives départementales de l’Esonne), Laurent Bourdereau (directeur du domaine de Chamarande), Julie Corteville (directrice du Musée français de la Photographie) et la direction de la culture du Conseil général de l’Essonne.
Avec le concours du ministère de la Culture et de la Communication et du Conseil général de l’Essonne
> Introduction : Questionner les politiques culturelles face à la complexité des sociétés contemporaines, par Hélène Hatzfeld et Sylvie Grange.
> Expérimenter dans l’élaboration des projets
> Transformer les cultures professionnelles
> Interagir dans la valorisation et la médiation
Et aussi :
> Actualités : recherche, innovation numérique, publications.
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